Les de Croy, entre la cour de Bourgogne et la cour de France


Dans l’ascendance de la famille Meurs, nous trouvons Agnès de Croy ou de Croij. Elle eut un enfant – bâtard – du duc de Bourgogne Jean sans peur,
appelé lui aussi Jean. Ce dernier, bien qu’évêque de Cambrai, eut une progéniture nombreuses avec différentes femmes. Il est notre ancêtre. Un article
de L. Régibeau dans les “Annales du Cercle Archéologique du Canton de Soignies” (ACAS, tome XIX, pages 72 sq) m’incite à dire un mot de cette famille
princière prestigieuse dont une branche s’établit au Roeulx.

On trouve les premières traces de la maison de Croy au XIIe siècle en Picardie. Elle est alors établie dans le village de Crouy-Saint-Pierre dans la Somme
et en tire son nom. Ce ne sont que des petits seigneurs obscurs sans fortune, sans influence.

Le premier fait important est l’alliance de Guillaume de Croy avec Isabeau de Renty, fille et héritière d’Adrien, sire de Renty et de Seneghem, et de Marie
de Brimeu. Guillaume n’était peut-être qu’un de ces simples chevaliers qui servit dans l’armée du roi de France Jean II le Bon, père de Philippe le Hardy.
L’union Renti-Croy amena ces derniers à jouer un rôle en Flandre, et ensuite dans la maison de Bourgogne quand celle-ci arriva au pouvoir chez nous.

Le fils de Guillaume, Jean I de Croy, entama l’ascension de la famille : il devint chambellan du duc de Bourgogne. Il épousa Marie de Craon (1370-1420),
riche héritière, qui lui donna 17 enfants, dont sept moururent en bas âge. En 1397, il avait acquis la seigneurie de Chimay qui entra ainsi dans le domaine
des de Croy. Quatre ans plus tard, il fut nommé gouverneur d’Artois, et il mena les armées bouguignonnes contre les liégeois révoltés. En 1413, il fut
capturé par Isabeau de Bavière et emprisonné au château de Monthléry, d’où il réussit à s’évader. Il fut tué à la bataille d’Azincourt (1415) en même temps
que son fils Jean. Ce sont trois de ses enfants qui assurèrent la renommée de la famille : Antoine, un autre Jean, et Agnès.

Il est probable que notre ancêtre Agnès joua un rôle décisif. Elle était grande maîtresse de la maison d’Isabelle de Portugal. Elle se laissa séduire par
le duc de Bourgogne Jean sans peur, ou l’inverse, ce fut elle qui le séduisit. Ce qui est certain, c’est que ses frères Antoine et Jean, acquirent la
confiance des ducs de Bourgogne, tout en gardant la confiance du roi de France, si bien qu’ils devinrent les médiateurs entre les deux familles cousines.
Ils firent partie des chevaliers de la Toison d’or dès la création de l’ordre.

On sait la rivalité qui opposera le duc Jean-sans-peur au dauphin Charles VII, qui le fit assassiner au pont de Montereau. Cette rivalité ne fera que
croître entre ce souverain faible et l’orgueilleux Philippe le Bon. Le rôle d’Antoine et Jean de Croy fut essentiel pour la signature du traité d’Arras.
Après la signature, la guerre froide persista. Antoine et son frère multiplièrent les ambassades entre la cour de Bourgogne et la cour de France dont ils
représentaient les intérêts.

Antoine et Jean réussirent la gageure de conserver la bienveillance du roi Charles VII tout en entrant dans l’intimité du dauphin, le futur Louis XI,
lorsque ce dernier, brouillé avec son père, vint chercher refuge chez son “bel oncle de Bourgogne”(1456). On les vit souvent rendre visite à la cour de
Genappe, ce qui suscita la haine de Charles le téméraire, alors comte de Charolais, qui craignait cette ouverture de Louis sur les intentions secrètes de
la diplomatie bourguignonne (1). D’où cette réflexion d’Antoine : “Je ne veux point cesser le service du roi de France pour un comte de Charolais”.

Antoine apporta son concours à Philippe-le-Bon qui était en guerre contre sa cousine Jacqueline de Bavière, comtesse du Hainaut, et c’est sans doute pour
ses bons et loyaux services qu’il reçut en 1428 la terre de Chièvres, et en 1431 la terre et seigneurie du Roeulx. Quant à Jean, il hérita de son père le
comté de Chimay, qui devint plus tard duché.

En deux génération, cette famille obscure était devenue une des pièces maîtresses de la politique des ducs de Bourgogne et du roi de France. Jusqu’à nos
jours, elle se maintient parmi les familles nobles les plus importantes de Belgique, ayant des alliances avec, notamment, les Princes de Ligne.

Jean-François Meurs

(1) Mr l’abbé Jous exprime une opinion moins nuancée dans le numéro 158 du Val Vert page 68, où il commente la vieillesse “sénile” de Philippe le Bon :
“Livré sans résistance à l’ascendance croissante d’Antoine et de Jean de Croy qui, corrompus par le Roi de France Louis XI le brouille avec son fils
Charles le Hardy appelé aussi le Téméraire, jusqu’au jour où, en 1465, lassé de ses courtisans, dans un moment de lucidité, Philippe le Bon chasse les Croy
et condie le gouvernement à son fils Charles le Hardy. “ Il est vrai aussi que cette déchéance des de Croy sera passagère, ils retrouveront leur place.

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