Jean-François Meurs reprend la ferme de Ronquières

Deux documents découverts par M. Jean Letroye dans les archives du notaire Laisné de Nivelles nous apportent deux informations importantes concernant Jean-François Meurs (1758-1845) et sa première épouse Marie-Joseph Pierart (1755-1793).

En premier lieu, il subsistait une petite hésitation en ce qui concerne Marie-Joseph Pierart; en effet, le prénom de Marie-Joseph associé au nom de Pierart est fréquent à Ronquières, et on n’était pas tout à fait certain qu’elle était la fille de Charles-Joseph Piérart et de Marie Joseph Cambier, une autre Marie Joseph Pierart était possible, née en 1758, fille de jean Joseph et marie Joseph Pierart. Le document de donation de la ferme enlève tout doute.

La famille de Marie-Joseph Pierart

On peut donc reconstituer la famille de Charles-Joseph Pierart et Marie Joseph Cambier (1) dont les enfants furent baptisés à Ronquières :

  1. Pierre Joseph, le 14 août 1740 (ss François Joseph Pierard et Elisabeth Joseph Cambier).
  2. Jean Joseph, le 30 janvier 1743 (ss Jean Joseph Pierard et Françoise Joseph Haveaux). Il sera le parrain de Marie Rosalie et de (Jean-)François Meurs, jumeaux, nés le 9 mars 1793.
  3. Marie Joseph, le 7 avril 1745 (ss Jean Louis Lassau et Jeanne Pierard), sans doute décédée jeune (3).
  4. Anne Marie Joseph, le 10 novembre 1747 (ss Georges Joseph Rambaux et Anne Marie Joseph Coquette)
  5. François Joseph, le 6 avril 1750 (ss François Joseph Pierard et Marie Joseph Pierard). Il sera le parrain de Marie Thérèse Meurs le 30 septembre 1781, fille aînée de Jean-François.
  6. Adrien Joseph, le 9 octobre 1752 (ss Henri Joseph La Sorette et Marie Jacinte Godelot). Il sera le parrain de Catherine Meurs née le 4 janvier 1791.
  7. Marie Joseph, le 10 avril 1755 (ss Louis Joseph Pierard et Marie Albertine Pierard), qui épouse Jean-François Meurs en 1780.
  8. Philippine Joseph, le 20 novembre 1757 (ss Charles Lerminiau …). Elle sera marraine de Pierre Joseph Meurs en 1784 et de Jean-Baptiste Meurs en 1788. Lors de ces deux baptêmes, elle réside à Namur et commissionne quelqu’un d’autre pour la représenter.

 

Cette ascendance concerne plus particulièrement les descendants de Marie-Thérèse Meurs (Les Gilbert, Paesman, etc.), Benoît (Meurs de Buzet, Meurs de Oulchy en France, Ferrier, etc.), Marie Rosalie (Dechief), Amélie Célestine (à nouveau les Gilbert, Paesman, Paul, etc.).

 

L’acte de donation du 25 novembre 1783 (3)

En second lieu, ces documents nous renseignent sur l’installation de notre ancêtre Jean-François Meurs dans la ferme de Ronquières connue alors sous le nom de “Cense de Giloscam” (4) : celle-ci était occupée par Charles-Joseph et Marie Joseph Cambier, les parents de son épouse Marie Joseph.

En 1783, ceux-ci, se trouvaient dans un âge avancé, incapables de maintenir la ferme et d’accomplir les travaux d’exploitation. Criblés de dettes, ils font une donation à Jean-François et à leur fille. Marie-Joseph semble privilégiée parmi les enfants, car il n’est pas question de partage. En fait, cette donation est loin d’être un cadeau royal, quand on voit les obligations formulées par les beau-parents : Jean-François va se retrouver pieds et poings liés. Ceci explique sans doute pourquoi il n’est pas question des autres enfants dans cette tractation.

Charles Joseph Pierart est en retard de paiement de deux rendages, ce qui représente une somme de 900 florins, et on approche d’une nouvelle échéance à la St André, où il lui faudra ajouter un demi rendage, soit 225 florins. Il est également chargé de dettes envers son maréchal, ses domestiques, ses ouvriers. Il doit six rendages d’une pièce de terre au curé, d’autres à Jean Beauclef, et d’autres menues dettes, soit plus de 80 florins. Si on exécute les dettes, ils n’auront plus de quoi vivre.

Charles Joseph Pierart fait donc donation de tous ses meubles, effets mobliers, chevaux, vaches, cochons, chariots, charues et autres outils de labours, grains battus et non battus, fourage, paille, bois, cuivres, étains. Symboliquement, il remet une clé à son gendre et à sa fille.

Moyennant quoi ceux-ci acquiteront toutes les dettes citées ci-dessus ainsi que celles qu’on ignore. Ils devront venir vivre et demeurer avec leurs beaux-parents, à qui ils doivent le respect, et ils exploiteront la ferme sous leur direction. Le boni de l’exploitation leur appartiendra.

Jean-François et son épouse devront nourrir et vêtir honnêtement les parents jusqu’à leur décès, et leur donner chaque semaine dix sols et demi, somme qui sera réduite à sept sols par semaine à la mort de l’un des deux. En cas de maladie, ils devront fournir “les bouillons et bonnes nourritures”, payer le médecin, les drogues, les médicaments. Ils auront à leur charge les funérailles et les cérémonies qui conviennent.

Si Jean-François et son épouse deviennent “les maîtres absolus” (mais les beau-parents tiennent le bail et continuent de diriger la ferme !), ils engagent tous leurs biens meubles et immeubles, ainsi que leurs personnes (5).

 

La reprise du bail en 1787 (6)

La ferme de Giloscam appartenait à Jean Joseph Baude, de Nivelles. Le 3 avril 1787, Jean-François Meurs reprend à son compte le bail tenu auparavant par son beau-père. Il commencera le 1er mai 1789. Il paiera annuellement 550 florins, et ce, dès la St André, puisqu’il aura terminé ses premières récoltes. Il aura à sa charge toutes impositions, notamment celles décidées par le Souverain du pays, ou par l’autorité d’une puissance étrangère (7).

Outre le rendage, il s’acquittera des diverses charges affectées sur la cense, à savoir les deniers dus aux différents Seigneurs, une somme à la table des pauvres. Il donnera deux pains de sucre des Canaries à son propriétaire en guise d’étrennes. Il effectuera gratuitement le transport de chaux, pierres, briques, bois, sable et autres matériaux qu’il conduira jusqu’à Nivelles à la requête du propriétaire.

Viennent ensuite les recommandations et obligations pour le labourage et le soin des terres (les préserver de tous “cavains” et cours d’eau sauvages, extirper ronces et épines, …), pour l’entretient des prairies, des vergers et des chemins (ils “rigolleront”, c’est-à-dire feront des tranchées), le maintien des haies et des arbres fruitiers. Chaque année ils planteront six arbres de bons fruits et les protègeront contre les dégâts que peut causer le bétail. Défense de toucher aux arbres montants et aux “raspes” (taillis) dans les aulnois et bosquets. Ils devront fournir les pailles nécessaires pour couvrir les toits de la cense, payer les couvreurs (le propriétaire fournira les bois et les lattes). Ils entrediendront les bâtiments à leurs frais. Ils ne peuvent vendre aucune paille, tout doit être réutilisé en fumier pour engraisser les terres.

Dans certains cas prévus par le droit, les dégâts (8) seront à charge du propriétaire, à condition que la déclaration soit faite dans les trois jours qui suivent. Ils sont tenus de faire paver et réparer les caves avec des pierres d’Ecaussinnes à leurs frais, et ce dans le courant de la première année.

C’est Charles Joseph Darras, fermier propriétaire habitant Ronquières qui se porte caution pour Jean-François Meurs, qui engage tous ses biens meubles et immeubles.

 

Notes :

  1. On trouve aussi très souvent les variantes Pierard et Camby.
  2. Marie Joseph Pierard : elle est sans doute morte jeune, puisque les parents reprennent le même prénom pour une naissance dix ans plus tard en 1755. En tout cas, ce n’est pas celle de 1745 qui a épousé Jean-François Meurs : il aurait épousé à 22 ans une personne âgée de 35 ans ; et son épouse aurait eu 48 ans au moment de la naissance des jumeaux en 1793.
  3. AE-LLN-Notariat-Dossier 20195 Notaire Laisné Nivelles.
  4. La Cense de Giloscam est citée dans la généalogie de la famille Marsille par René Goffin, page 173. Elle fut occupée dans les années 1660-1675 par Charles Marsille et son épouse Marguerite Tamineau. Elle avait alors une superficie de 35 bonniers de terre et 14 de prairies
  5. Jean-François, qui n’était que cabaretier à Naast possédait-il des biens pour garantir ces charges ? Il faut croire que oui. Son père Thiry y avait des possessions, on en trouve des traces dans les fondations et obits de la paroisse, et plus tard dans le cadastre de Naast par Popp. Il recueillait une partie des héritages des Buisseret et des Papeleux, censiers de la grosse ferme “del Gage” à Naast.
  6. AE-LLN-Notariat-Dossier 20195 Notaire Laisné Nivelles.
  7. Est-ce le signe d’une époque de turbulences et que l’on prévoyait déjà les évènements futurs, l’envahissement des troupes françaises ?
  8. Causés par les voisins ou les intempéries ?
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