Le curé doyen Victor Meurs

Victor Joseph Meurs, septième enfant de Vincent Meurs et Amélie Lejour, est né à Virginal Samme le 26 septembre 1843 et décédé à Nivelles le 4 septembre 1925. Entré au Grand séminaire de Malines, il y obtient son diplôme de théologie le 28 septembre 1865. Il y est ordonné prêtre le 19 septembre 1868.  Il reçoit son diplôme de théologie de l’Université Catholique de Louvain le 1er octobre 1868.

 

Victor Meurs
Victor Meurs

 

Il sera d’abord professeur au Collège de Basse-Wavre du 7 septembre 1870 au 21 mai 1875. Il est ensuite vicaire de la paroisse des Saints Nicolas et Jean l’évangéliste à Nivelles du 22 mai 1875 au 22 septembre 1881. Il est curé d’Ohain, paroisse St Etienne, du 23 septembre 1881 au 19 juin 1885. Il devient curé doyen de Wavre, paroisse St Jean Baptiste le 20 juin 1885 ; il y fêtera ses 25 ans de présence en 1910. En 1912, on lui propose le titre de chanoine de Saint Rombaut. Il décline la proposition, s’estimant trop vieux, et il renonce à sa charge de doyen, qui se termine le 25 juin 1912. Il se retire alors à Nivelles où il sera aumônier des sœurs Conceptionnistes du 26 juin 1912 jusqu’à sa mort le 4 septembre 1925. Son faire-part de décès le cite comme Chevalier de l’ordre de Léopold.

On connaît peu de choses au sujet de son apostolat comme professeur d’abord au Collège de Basse-Wavre, puis comme vicaire à St Nicolas à Nivelles. En 1880, il paye sa cotisation pour devenir membre honoraire de la « Société du denier des écoles catholiques, paroisse Ste Gertrude » (Musée de Nivelles n° 5224).

Comme doyen de Wavre, il aura le souci de l’enseignement de la jeunesse. D’une part, il soutient le Collège de Basse-Wavre et l’école des sœurs de la Providence de Peltre (Alsace) ; d’autre part, il multipliera les démarches pour convaincre les Frères des Ecoles Chrétiennes d’ouvrir un collège à Wavre. On peut dire qu’il est un des fondateurs du Collège Saint-Jean Baptiste dont il bénit la première pierre le 17 mars 1897. Le 10 octobre 1898, il fit venir son professeur de Louvain, le futur Monseigneur Mercier, pour bénir les locaux construits ; lui-même célébrait la messe solennelle, assisté de son neveu prêtre, Louis Meurs.

Une page de la revue du Collège St Jean Baptiste le décrit ainsi : « Sous un extérieur réservé, Monsieur le Doyen Meurs cachait un cœur de père compatissant à toutes les infortunes, secourant avec une discrétion extrême les pauvres honteux, sachant adresser les paroles qui apportent un baume aux souffrances les plus aiguës. Dans certaines épreuves pénibles, il ne proféra jamais aucune parole de blâme et il parvint même à excuser tout au moins l’intention. »

En 1900, le cardinal archevêque de l’époque, Monseigneur Goossens, demanda à tous les curés de dresser un état des lieux de leur paroisse. Le doyen Meurs rédigea une ample monographie qui détaille les différents aspects de Wavre, non seulement les aspects religieux et culturels, mais aussi économiques. A vrai dire, son portrait de Wavre n’est guère flatteur, je cite : citadelle d’un libéralisme sectaire, irréligieux et profondément ignorant ; une jeunesse à l’intelligence en-dessous de la moyenne ; un désert culturel … « … l’histoire de Wavre ne mentionne aucun grand homme, ni même aucun cerveau supérieur… on en est réduit à s’accrocher à un Primus de Louvain, à un poète de quatrième ordre et à un peintre qui eut un jour quelqu’inspiration ». Il insiste : le wavrien est tourné vers les choses pratiques, commerçant avant tout, noceur et bon vivant, soignant très bien ses petites affaires matérielles, et s’il manque d’idées artistiques, c’est parce que cela ne rapporte rien du tout. Heureusement, il y a quand même dans le petit nombre de catholiques des gens très remarquables et généreux de leurs sous pour soutenir un bon nombre d’œuvres !

M. le Doyen Meurs devait avoir quelque prétention de bon goût. En tout cas, il a fait restaurer l’église Saint Jean Baptiste qu’il décrivait comme en ruines dans son rapport de 1900.

En 1902, il fit appel aux sœurs Clarisses et il proclama leur couvent « le paratonnerre de la paroisse ». Nommé aumônier de l’Ecole régimentaire, il fonda le cercle militaire qu’il entretint de ses deniers. Du côté de la jeunesse, il encouragea activement la création du patronage ouvrier « l’Union des Travailleurs » en 1886, sous la protection de Saint Joseph. Les ouvriers y étaient admis à partir de l’âge de 15 ans. En 1890, on créa le Patronage des enfants. Ces institutions voulaient offrir un divertissement honnête, donner une formation chrétienne, former des citoyens économes.

Il attira plusieurs de ses neveux et petits-cousins au Collège de Basse Wavre : ses neveux Victor et Louis Meurs, de Nivelles, fils de son frère aîné Pierre et de Julienne Decock ; le premier devint Jésuite, le second fut curé de La Hulpe. Il y eut aussi son neveu Vital Meurs, fils de son frère Firmin, et Max Meurs, de la descendance de Benoît. Il y avait sans doute dans ce fait une préoccupation, celle des vocations sacerdotales. On trouve dans l’album de famille la photo d’un jeune séminariste dont il existait un grand portrait chez Vital Meurs : plus personne ne connaît le nom, mais on se souvient du « protégé » de l’oncle doyen. On dit qu’il est mort jeune.

 

Protégé de Victor Meurs
Protégé de Victor Meurs

 

Mais il avait surtout un fort esprit de famille. A la naissance de sa nièce Marie Meurs, fille de son frère Jean-Baptiste, à Bellecourt, il alla s’offrir comme parrain, alors qu’il avait toujours refusé ce rôle. Un mois plus tôt, son frère avait perdu le petit Oscar, qui avait deux ans, écrasé par la roue d’un char.

On constate qu’il a démissionné de son poste de doyen de Wavre dans le mois qui a suivi le décès de sa sœur Marie, épouse séparée d’Alphonse Lenoir. Il en était fort affecté. Il est allé habiter à la rue du Géant à Nivelles, et il avait pris avec lui sa sœur Lucie, veuve de son cousin Jules Meurs ; elle décèdera en 1920. Il y accueillera pour le temps de ses études un de ses cousins, Georges Dejean, étudiant à l’Ecole Normale durant la guerre de 1914.

On sait par des cartes postales que le dit Georges envoyait à sa famille que le doyen Victor Meurs allait jouer aux cartes à la ferme de Virginal, chez ses frères Nicolas et Firmin ; une voiture le ramenait le soir à Nivelles. Nicolas était resté célibataire. Le même Georges Dejean écrit le 2 juin 1917 : « Nicolas de Vesnau a manqué (quelle bonne idée, hein !) de mourir, ce qui a occasionné un exode des Meurs vers la cité de Félicien, exode qui a eu pour conséquence imprévue de guérir subitement le doyen ».

Son neveu Vital Meurs, fils de Firmin, s’est marié avec la redingote que le doyen lui a donnée : celle-ci lui avait été payée pour un voyage en Angleterre où le clergyman était de rigueur.

Léon Ballieu, son neveu, fils de sa sœur Charlotte Meurs et Vincent Ballieu, habitant Bornival, allait souvent chez l’oncle doyen. Il a été enfant de chœur quand ce dernier a fêté ses 50 ans de prêtrise, en 1915, chez les sœurs Conceptionnistes. Il avait ce jour-là invité tous ses neveux, mais il n’y avait pas une seule personne du sexe féminin à la réception. Il y eut beaucoup de chuchotements, de commentaires et de rires… Peu de temps après, le doyen a fait un dîner où il n’a invité que les femmes !

On lui connaît un humour typiquement wallon. Il disait, fataliste : « Nous n’avons eu que treize poulets sur treize œufs… » Il avait de qui tenir : j’ai raconté par ailleurs la réflexion de son père Vincent Meurs le jour où, avec ses amis du séminaire, il fêtait à la ferme de Virginal sa réussite à l’université. Le petit groupe remontait de la cave force bouteilles de vin, et les « descendait » aussitôt, et l’ancêtre regardait cela d’un œil critique quand un domestique est entré en déclarant tout à trac : « Patron, èl via n’vû nî beure ! Qu’est-ce què d’dwè fé ? ». A quoi le patron répondit, en regardant la petite assemblée ecclésiastique : « Fèyez-li ène tonsure ! »

Il était resté le dernier de ses frères, sœurs. Seule sa belle-sœur Désirée Meurs subsistait de sa génération quand il mourut le 4 septembre 1925. Les citations sur son souvenir mortuaire, extraites de ses dernières notes, révèlent un trait de caractère : « La vieillesse ne peut pas être le déclin ; elle doit être le progrès, elle doit monter vers Dieu ! … A quoi nous servirait-il de vieillir, si ce n’est pour nous améliorer ? … » ; « La vieillesse ne peut pas être chagrine ou morose, mais digne. La joie du visage doit faire rayonner l’âme autour de soi… »

 

Victor Meurs âgé
Victor Meurs âgé

 

C’est son neveu Louis qui a procédé au partage des quelques biens de l’oncle Doyen. Il fit des lots, tirés au sort. Vital Meurs a hérité des couverts marqués « V ». Mon grand-père Jules Meurs a reçu un lion en bronze, un Christ portant sa croix également en bronze, et deux sanguines représentant des scènes campagnardes ; l’une d’elles à disparu lors d’une restauration par le menuisier ; l’autre s’intitulait « A la Cava (Naples) » et a longtemps été mise en bonne place dans la salle-à-manger de la ferme d’Obaix.

JF Meurs