Les Mauvaises gens


Étienne Davodeau
Une histoire de militants

Depuis quelques années, les auteurs de BD pratiquent le reportage ou le documentaire. Étienne Davodeau a déjà à son actif « Rural », la chronique d’une agriculture collective et biologique.

« Les mauvaises gens », c’est une étymologie malveillante des « Mauges », cette région du Maine-et-Loire, au sud d’Angers. Une étymologie qui trouve quand même des justifications dans l’histoire ancienne – les Mauges sont au cœur de la Vendée, pays farouche et sombre, dont on connaît la révolte à l’époque de la Révolution française -, et dans l’histoire récente : celle des luttes ouvrières dans un pays fortement marqué par un catholicisme conservateur.

Étienne Davodeau puise dans ses propres souvenirs d’enfance, et fait parler ses parents, Maurice et Marie-Jo : tous les deux ont été mis au travail à l’âge de 14 ans. Ils doivent leur prise de conscience et leur formation à la JOC, la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, qui en a fait des militants, malgré leur timidité. Passés ensuite à l’A.C.O., l’Action Catholique Ouvrière, ils deviendront syndicalistes à la Confédération française des travailleurs chrétiens, dont une frange donnera naissance plus tard la CFDT. Ensuite, Maurice entrera en politique dans le Parti socialiste, tandis que Marie-Jo militera dans une Association de consommateurs.

Toute cette histoire est racontée de façon limpide et pas ennuyeuse du tout. Pourtant, Etienne Davodeau a pris la peine de se documenter et consulter les archives avec la rigueur d’un historien. Surtout, nous communions, sous son pinceau subjectif, à ce qui fait la vie des gens simples d’une région fortement marquée par la ruralité, la « France d’en bas ».

Il parle sans complaisance, mais avec nuances et respect, du rôle de l’Eglise, divisée entre clergé et patrons conservateurs d’un côté, prêtres ouvriers et militants ouvriers de l’autre. Il rend justice à la JOC. Il raconte avec nostalgie les réunions, les débats et l’effervescence d’un monde enthousiaste, courageux, vrai et créatif.

Ce livre est un hommage émouvant aux gens modérés et intègres qui ont lutté avec un sens profond et humble de l’intérêt collectif.

Jean-François Meurs

Étienne Davodeau, Les Mauvaises gens, éditions Delcourt.